Santé mentale, un enjeu sociétal ? par Claire Le Roy-Hatala
En quoi la Santé mentale est-elle un enjeu sociétal ? Claire Le Roy - Hatala, directrice du collectif La Place nous éclaire sur cette notion grande cause nationale 2025 et la puissance du travail, levier vers le rétablissement de toute personne en souffrance mentale.
En quoi la santé mentale est-elle un enjeu sociétal ?
« La santé mentale nous concerne tous ! Il n’y a pas de santé, sans santé mentale. Elle fait partie intégrante de qui nous sommes et de notre rapport au monde. Si l’on reprend les termes de la définition de l’OMS de la santé mentale, celle-ci ne se réduit pas à l’absence de maladie. Elle ne se réduit même pas à un sentiment de bien-être, même si c’est une de ses dimension première. Elle nourrit notre capacité à faire face aux tensions et difficultés inhérentes à la vie sur Terre. Elle se niche dans nos ressources internes et externes pour relever les défis de l’existence. In fine, se joue avec elle notre place dans la société, notre contribution au monde qui nous entoure. En cela, elle est universelle, partagée par tous, éminemment sociétale et nous accompagne tout le long de nos chemins de vies, et plus particulièrement de vies professionnelles.
« La santé mentale est aujourd’hui un enjeu car elle est mise à rude épreuve et vacille pour un grand nombre d’entre nous. Les chiffres sont éloquents.»
Santé publique France estime qu'une personne sur 5 est touchée par un trouble psychique (la dernière enquête Coviprev révélait que 18 % des français montraient des signes d'un état dépressif et 26 % d'un état anxieux). On constate même dans certaines enquêtes que 25 % des personnes interrogées se déclaraient souffrir d'un trouble anxieux généralisé et pour la moitié elles considèrent que cela détériore leur quotidien. Ce chiffre monte à 41 % chez les jeunes.
Un rapport de l'OCDE en 2015 estimait qu'une personne sur deux connaîtra des troubles psychiques au cours de sa vie active.
Ce phénomène explose ces dernières années engendrant de la souffrance, de l’isolement, des troubles psychiques qui nécessitent parfois des réponses médicales intensives et du soutien psychologique. Ce sont les personnes concernées en premier lieu et tous les collectifs de proximité, de travail qui en sont le plus durement impactés.
« Et pourtant, ce cri d’alarme n’est pas une fatalité. Chacun peut jouer un rôle pour promouvoir sa propre santé mentale et celle des autres.»
L’accompagnement au rétablissement a fait la preuve de son efficacité et apporte des réponses holistiques lorsque les problèmes de santé mentale désocialisent, mettent à terre, éloignent de l’emploi. Le travail en lui-même est un levier puissant du processus de rétablissement notamment par le sentiment d’utilité qu’il nourrit, la reconnaissance qu’il procure, les liens sociaux qu’il permet (en plus des revenus qu’il apporte et qui soutiennent une sécurité psychologique indispensable).
Ce processus de rétablissement n’est possible qu’à condition de se dérouler dans un environnement non-stigmatisant. C’est le grand défi que nous avons collectivement à relever : ne plus réduire les personnes vivant avec des troubles psychiques à leur maladie et aux stéréotypes disqualifiants qu’on leur attribue. Se recentrer sur les compétences, les savoirs et les contributions de chacun à l’intérêt général. Garder confiance dans la capacité de tous à connaître le chemin du rétablissement.
Considérer la vulnérabilité comme une condition partagée de notre vie au travail qui nous invite à nous rapprocher les uns des autres, à nous respecter dans nos limites, à penser des environnements de travail respectueux de chacun. Le soutien de proximité, l’écoute, la bienveillance, le regard non discriminant, le respect de l’autodétermination, l’attention portée aux signaux d’alerte sont des leviers qui participent à des environnements protecteurs de notre santé mentale à tous… En cela, tous les employeurs ont un rôle déterminant à jouer. La Grande Cause Nationale nous oblige à réussir ce défi collectivement !»
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Claire Le Roy-Hatala est directrice du collectif La Place, vice-présidente de la Communauté de pratiques internationale et francophone Santé mentale et Travail et autrice du livre « La vérité sur les troubles psychiques au travail » paru aux éditions Payot, 2024. Elle accompagne les entreprises, institutions, associations et fondations à mieux prendre en compte les personnes concernées par des troubles psychiques dans l’emploi et dans la société.
Article extrait de la publication de l'Observatoire emploi et handicap, avril 2025 « Santé mentale, emploi et handicap. Etat des lieux et perspectives » en lien ici.