Témoignage Entreprise

Eurial embauche Stéphane, un chauffeur « comme les autres »

L’entreprise laitière Eurial avait pensé à tout pour recruter Stéphane, premier salarié handicapé embauché dans le cadre de son accord d’entreprise. Mais elle avait omis un détail : expliquer à ses futurs collègues qu’il était un chauffeur « comme les autres » .

L'expérience

Article rédigé le 7/03/2012

Premier recrutement après accord

En 2008, Stéphane est reçu en entretien d’embauche chez Eurial, groupe coopératif spécialisé dans la collecte et la valorisation du lait, qui produit beurre, fromages et crème sur onze sites industriels implantés en Bretagne, Pays-de-la-Loire et en Poitou-Charentes. Chauffeur routier sans emploi depuis trois ans, Stéphane boîte et marche lentement. Depuis la récente signature par l’entreprise d’un accord sur l’emploi des personnes handicapées, les responsables d’Eurial se sont fixés pour principe de recevoir tous les candidats handicapés sans se focaliser sur un type de profil ou un handicap. « Le CV d’un demandeur d’emploi en situation de handicap est quasi systématiquement atypique (blancs de plusieurs années, changement radical de voie etc…) et passe rarement le premier tri de CV des recruteurs », commente Joseph de Malaussène, responsable des ressources humaines et référent handicap. L’entretien avec Stéphane est positif. Le quinquagénaire a toutes les compétences requises et il est plus que motivé pour reprendre le volant. Moyennant quelques aménagements, il est tout à fait en mesure d’assurer la collecte du lait. Joseph de Malaussène lui propose donc un CDI à plein temps, le premier signé dans le cadre de l’accord d’entreprise.

Incompréhensions au sein de l’équipe

Avant d’accueillir le nouveau chauffeur dans l’entreprise, son futur poste de travail est passé au crible avec lui. Toutes les difficultés potentielles sont identifiées. « Nous connaissons bien nos postes et nous n’avons aucun mal à définir les aménagements à réaliser », précise Joseph de Malaussène. Les solutions trouvées sont relativement simples : Stéphane conduira un camion à boîte de vitesse automatique - l’accord handicap permettra de prendre en charge le surcoût occasionné - et son véhicule sera simplement équipé d’un chariot de type diable pour lui éviter de porter les lourds sacs de lait en poudre qu’il est parfois amené à charger. Avec ce matériel, les conséquences du handicap sont prises en compte. S’il se déplace un peu plus lentement que ses collègues, le chauffeur assure ses tournées comme les autres. Tout irait donc pour le mieux si le nouveau salarié ne se trouvait confronté à une situation totalement inattendue : l’arrivée d’un travailleur handicapé dans l’équipe des chauffeurs suscite l’incompréhension de ces derniers qui ressentent que leur travail s’en trouve dévalorisé. À leurs yeux, l’embauche de Stéphane revient à nier la rudesse de leur métier. « Nous avions tout fait dans les règles de l’art, mais nous avons commis l’erreur de ne pas associer l’équipe à la démarche. L’effet de surprise a été dévastateur », reconnaît le responsable des ressources humaines.

Le RRH et les représentants du personnel argumentent

Immédiatement, les responsables interviennent auprès de l’équipe et expliquent en détail l’embauche de Stéphane, les raisons de l’aménagement de son poste et la compensation de son handicap. Ils leurs démontrent que leur collègue est un professionnel, comme eux, et qu’il est capable d’assumer les mêmes tâches qu’eux. Les représentants du personnel apportent également leur appui. Ce sont eux qui ont proposé la signature d’un accord d’entreprise à la direction d’Eurial avec pour souci premier de remettre à plat la question de la gestion des inaptitudes qui conduit trop souvent à des licenciements. L’exemple de Stéphane démontre à lui seul qu’un chauffeur en difficulté peut conserver son emploi et continuer à exercer son métier. L’argument est de poids, mais il faut un peu de temps pour que chacun l’intègre. Pendant les premiers mois, Stéphane doit s’accrocher.
Pour éviter que ce genre de situation ne se reproduise, une formation est proposée à l’ensemble des responsables RH et des managers. L’objectif : mieux connaître le handicap, apprendre à en parler au cours des entretiens d’embauche, mais aussi avec les autres salariés. « Peu de temps après Stéphane, nous avons recruté une personne à qui il manque plusieurs phalanges sur une main. Même si cela paraît anodin, nous avons veillé à aborder le sujet avec ses futurs collègues avant son embauche. »

L’idée du handicap fait son chemin

Près de quatre ans ont passé depuis l’arrivée de Stéphane chez Eurial. Les difficultés des premiers temps se sont dissipées, d’autres collègues handicapés ont été embauchés et des salariés en poste maintenus dans l’emploi. Sur la durée de son premier accord, en cours de renégociation, le groupe a dépassé ses objectifs et affiche un taux d’emploi supérieur à 4,83 % (contre 2,83 % en 2008).
À l’occasion d’un changement de tournée, un nouvel aménagement a été réalisé pour faciliter le travail de Stéphane : un tuyau mal positionné a été réinstallé afin de lui éviter de se plier en deux pour le raccorder à la citerne de son camion. « Jamais nous n’avions prêté attention à cette difficulté qui posait problème à tout le monde. Aujourd’hui, cette petite amélioration bénéficie à tous les chauffeurs et nous a rendus plus vigilants sur ce genre de choses », conclut Joseph de Malaussène. Une preuve supplémentaire, s’il en était besoin, de l’intérêt pour les salariés de compter parmi eux un collègue handicapé.

Article rédigé le 7/03/2012

Le témoignage

Joseph de Malaussène, RRH et référent handicap

« Peu de temps avant son embauche, Stéphane avait vu sa candidature rejetée par un autre responsable ne savait pas comment aborder la question du handicap »

« Chez Eurial, nous avons toujours été sensible à la question du handicap en raison des nombreux cas d’inaptitude qui se présentent dans nos métiers mais nous ne maîtrisions pas la méthodologie pour le prendre en compte. Aujourd’hui, nous savons qu’il est certes nécessaire d’axer l’entretien sur les compétences en priorité parce que c’est pour cela que nous embauchons le candidat. Mais il est également primordial de parler du handicap de la personne non pas en échangeant sur des aspects sensibles et inutiles de son mal, mais bien en échangeant sur les conséquences de son handicap par rapport à notre poste de travail. Seul cette démarche pragmatique permet de dégonfler les peurs bloquantes. La signature de l’accord d’entreprise, proposé à l’origine par les représentants du personnel, nous a conduit à faire du handicap un vrai sujet d’entreprise. La question n’est plus éludée. Dans le cas de Stéphane, peu de temps avant que je ne l’embauche, il avait été reçu en entretien sur autre site Eurial, mais son interlocuteur n’avait pas su ou osé aborder la question de son handicap : ne sachant pas comment s’y prendre, il a préféré éviter de prendre des risques et ne l’a pas recruté.»

La fiche d'identité de l'entreprise

  • Entreprise : Eurial
  • Groupe : Eurial
  • Activité : Industries agricoles et alimentaires
  • Région : Pays–de-la-Loire / Bretagne / Poitou Charente
  • Effectifs groupe : 1 700 salariés
  • Effectifs TH : 60
  • Effectifs site : 220
  • Unités valorisables au titre de la sous-traitance : nc
  • Accord d’entreprise : 2008-2011
  • Contact : Joseph de Malaussène (RRH et référent handicap) –
    joseph.demalaussene@eurial.eu
  • Mise à jour : 7/03/12

La fiche technique

  • Nombre de salariés concernés : 1
  • Type de handicap : moteur
  • Aménagements :
    - techniques : oui
    - organisationnel : non
    - formation : non
  • Financements : Eurial, dispositif de droit commun
  • Partenaires : Cap emploi, Girpeh
Publié le 7 mars 2012