Témoignage Entreprise

Le restaurant Ttiki Baci s’initie à la culture sourde pour mieux intégrer l’un de ses salariés

Séances de sensibilisation avec une interface de communication, stage collectif à la langue des signes… L’équipe du restaurant et ses gérants n’ont pas hésité à s’engager pour faciliter la communication quotidienne avec Fréderic, cuisinier sourd profond.

Le pari d’une embauche

Le restaurant Ttiki Baci est implanté en centre-ville d’Hendaye depuis une dizaine d’années. Le chef Bixente Toyos y propose une cuisine maison de qualité élaborée à partir de produits frais. Agrandi il y a peu, l’établissement emploie aujourd’hui cinq personnes en CDI. Frédéric, 39 ans, a rejoint l’équipe il y a deux ans, quelques mois avant la crise sanitaire. Titulaire d’un CAP restauration, il est sourd profond et s’exprime principalement via la langue des signes française (LSF). « Il nous avait déjà contacté par le passé et nous lui avions proposé de venir faire un essai mais dans l’intervalle, il avait trouvé un poste », raconte Cécile Toyos, qui gère le restaurant avec son époux. La deuxième candidature est finalement la bonne. Le couple de restaurateurs accepte de tenter l’expérience. « Dans le cadre d’activités personnelles, je côtoie régulièrement des personnes handicapées travaillant en Esat. À leur contact, j’ai appris à regarder plus loin que le handicap », précise Cécile Toyos. Elle et son compagnon n’ont aucune connaissance de l’univers des personnes sourdes, mais ils n’affichent aucun a priori et sont prêts à se former si besoin pour pouvoir communiquer avec le jeune homme.

Un effort mutuel pour mieux se comprendre

Fréderic intègre le restaurant dans le cadre d’une Action de formation préalable au recrutement (AFPR) qui lui permet d’être formé tout en étant rémunéré par Pôle Emploi. Sous la conduite de Bixente Toyos, il apprend à préparer des pizzas selon la méthode traditionnelle héritée d’un authentique chef napolitain et s’intéresse également à la pâtisserie. Au quotidien, la communication s’établit de façon empirique, mais les employeurs du jeune homme souhaitent aller plus loin. « Frédéric nous a raconté que sur ses précédents jobs, les employeurs ne sollicitaient un interprète en langue des signes qu’à deux reprises : lors du recrutement puis au moment d’être licencié ! Il n’était pas question pour nous d’aborder les choses de cette manière », souligne Cécile Toyos. Par l’intermédiaire de Cap emploi qui accompagne le jeune homme, une interface de communication est mobilisée grâce à un financement Agefiph. Elle intervient tous les 15 jours. Avec son aide, le couple de restaurateurs découvre ce qu’il est convenu d’appeler la culture sourde : une identité forte, une langue à part entière – la LSF –, une sensibilité particulière. « L’effort mutuel d’adaptation au quotidien est important mais cela ne suffit pas : il est essentiel de bien comprendre comment fonctionne l’autre. Les personnes sourdes ont par exemple souvent une manière très directe de communiquer qui peut heurter et être à l’origine d’incompréhensions de la part des « entendants », explique la gérante du restaurant. Cette démarche de sensibilisation nous a apporté les clés pour trouver le bon équilibre dans nos relations quotidiennes avec Frédéric. C’est aussi un préalable pour instaurer la confiance. »

Un stage collectif de langue des signes pour souder l’équipe

Alors que la crise sanitaire vient perturber l’activité du restaurant et retarder l’embauche définitive du jeune homme, le chef et sa compagne, qui sont bien déterminés à confirmer son contrat, décident d’utiliser cette période de latence pour former toute l’équipe à la langue des signes. Un stage, lui aussi pris en charge par l’Agefiph, est mis en place sur les heures de travail. « Au beau milieu de cette période difficile et angoissante pour tout le monde, cela a renforcé la cohésion de l’équipe : l’intégration de Frédéric est devenue un projet porté par tous », se félicite Cécile Toyos. Pour les collègues, l’apprentissage de la LSF est une valeur ajoutée ; pour le principal intéressé, une source de motivation et un signe de confiance pour l’avenir. De fait, il a depuis lors signé son CDI. Ces efforts n’enlèvent rien aux exigences affichées par l’employeur vis-à-vis du salarié : « Dans un restaurant, il faut que ça tourne. On a besoin de professionnels engagés et compétents. Frédéric répond parfaitement à ces attentes. On lui découvre même des talents, notamment en pâtisserie où il fait preuve d’une véritable créativité », poursuit Cécile Toyos pour qui cette rencontre constitue tout à la fois un défi quotidien, qui vient bousculer les routines ordinaires, et « une expérience humaine extraordinaire ».

TÉMOIGNAGE

Cécile Toyos, co-gérante du restaurant Ttiki Baci « On a tout à gagner à travailler avec une personne différente »

Bien sûr qu’accueillir une personne sourde suppose d’être attentif à l’autre et de s’adapter en permanence, mais c’est une vraie richesse pour une entreprise. Ce n’est pas une « bonne action ». Cela vous donne de l’énergie ! On a tout à gagner à travailler avec une personne différente. D’autant plus que nous avons été bien conseillés et bien soutenus par Pôle emploi, Cap emploi et l’Agefiph qui se sont montrés très investis.

FICHE D’IDENTITÉ

Entreprise : Ttiki Baci

Activité : restauration

Région : Nouvelle-Aquitaine

Effectif entreprise : 5

Effectifs TH : 1

Contact : Cécile Toyos, co-gérante – dfeutrine@yahoo.fr

Mise à jour : 18/01/2022

FICHE TECHNIQUE

Nombre de personnes handicapées concernées : 1

Type de handicap : déficience auditive

Aménagements

- techniques : non

- organisationnel : oui

- formation : oui

Financements : Agefiph

Partenaires : Cap emploi, interface de communication

Publié le 9 février 2022